Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/196

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de la manière habituelle d’agir. Il va sans dire qu’il ne faut jamais non seulement mentir à ce qu’on aime, mais même embellir le moins du monde et altérer la pureté de trait de la vérité. Car si l’on embellit, l’attention est occupée à embellir, et ne répond plus naïvement, comme la touche d’un piano, au sentiment qui se montre dans ses yeux. Elle s’en aperçoit bientôt à je ne sais quel froid qu’elle éprouve, et à son tour a recours à la coquetterie. Ne serait-ce point ici la raison cachée qui fait qu’on ne saurait aimer une femme d’un esprit trop inférieur ? C’est qu’auprès d’elle on peut feindre impunément, et comme feindre est plus commode, à cause de l’habitude, on se livre au manque de naturel. Dès lors l’amour n’est plus amour, il tombe à n’être qu’une affaire ordinaire ; la seule différence, c’est qu’au lieu d’argent on gagne du plaisir ou de la vanité, ou un mélange des deux. Mais il est difficile de ne pas éprouver une nuance de mépris pour une femme avec qui l’on peut impunément jouer la comédie, et par conséquent il ne manque pour la planter là que de rencontrer mieux à cet égard. L’habitude ou les serments peuvent retenir ; mais je parle du penchant du cœur, dont le naturel est de voler au plus grand plaisir.

Revenant à ce mot naturel, naturel et