Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/203

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bonheur ; c’est qu’elle procure occupation et travail.

Dans les premiers instants, le plaisir de faire quelque chose, dès que l’entreprise est soupçonnée de la société, la pique de réussir donne du charme à cette occupation. La jalousie pour l’amie prend le masque de la haine pour l’amant ; autrement comment pourrait-on haïr à la fureur un homme qu’on n’a jamais vu ? On n’a garde de s’avouer l’envie, car il faudrait d’abord s’avouer le mérite, et l’on a des flatteurs qui ne se soutiennent à la cour qu’en donnant des ridicules à la bonne amie.

La confidente perfide, tout en se permettant des actions de la dernière noirceur, peut fort bien se croire uniquement animée par le désir de ne pas perdre une amitié précieuse. La femme ennuyée se dit que l’amitié même languit dans un cœur dévoré par l’amour et ses anxiétés mortelles ; à côté de l’amour l’amitié ne peut se soutenir que par les confidences ; or, quoi de plus odieux pour l’envie que de telles confidences ?

Les seules qui soient bien reçues entre femmes sont celles qu’accompagne la franchise de ce raisonnement : Ma chère amie, dans la guerre aussi absurde qu’implacable que nous font les préjugés mis en vogue par