Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

court, joufflu et pâle, qui, avec beaucoup de bourgeons, ne ressemblait pas mal à un abcès ; il avait de belles dents et n’avait pas imaginé causer une passion qui, en moins de rien, devint effrénée ; et qui dura toujours, sans néanmoins empêcher les passades et les goûts de traverse ; il n’avait rien vaillant, mais force frères et sœurs qui n’en avaient pas davantage. M. et madame de Pons, dame d’atour de madame la duchesse de Berri, étaient de leurs parents et de la même province ; ils firent venir le jeune homme, qui était lieutenant de dragons, pour tâcher d’en faire quelque chose. À peine fut-il arrivé, que le goût se déclara, et il fut le maître au Luxembourg.

« M. de Lauzun, dont il était petit neveu, en riait sous cape ; il était ravi, et se voyait renaître en lui, au Luxembourg, du temps de Mademoiselle ; il lui donnait des instructions, et Riom, qui était doux et naturellement poli et respectueux, bon et honnête garçon, les écoutait : mais bientôt il sentit le pouvoir de ses charmes, qui ne pouvaient captiver que l’incompréhensible fantaisie de cette princesse. Sans en abuser avec autre personne, il se fit aimer de tout le monde ; mais il traita sa duchesse comme M. de Lauzun avait traité Mademoiselle. Il fut bientôt paré des plus riches dentelles, des plus riches habits, muni d’argent, de