Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/249

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pour être heureux parce qu’on vous reçoit bien. Je ne blâme point les hommes d’en agir ainsi dans leur monde. Mais, auprès de Léonore, je trouvais un monde où tout était céleste, tendre, généreux. La plus sublime et presque incroyable vertu de votre monde, dans nos entretiens, ne comptait que pour une vertu ordinaire et de tous les jours. Laissez-moi au moins rêver au bonheur de passer ma vie auprès d’un tel être. Quoique je voie bien que la calomnie m’a perdu et que je n’ai plus d’espoir, du moins je lui ferai le sacrifice de ma vengeance ».

On ne peut guère arrêter l’amour que dans les commencements. Outre le prompt départ, et les distractions obligées du grand monde, comme dans le cas de la comtesse Kalemberg, il y a plusieurs petites ruses, que l’ami guérisseur peut mettre en usage. Par exemple il fera tomber sous vos yeux, comme par hasard, que la femme que vous aimez, n’a pas pour vous, hors de ce qui fait l’objet de la guerre, les égards de politesse et d’estime qu’elle accordait à un rival. Les plus petites choses suffisent, car tout est signe en amour ; par exemple elle ne vous donne pas le bras pour monter à sa loge ; cette niaiserie prise au tragique par un cœur passionné, liant une humiliation à chaque jugement qui forme la cristalli-