Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/250

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sation, empoisonne la source de l’amour, et peut le détruire.

On peut faire accuser la femme qui se conduit mal avec notre ami d’un défaut physique et ridicule, impossible à vérifier ; si l’amant pouvait vérifier la calomnie, même quand il la trouverait fondée, elle serait rendue dévorable par l’imagination, et bientôt il n’y paraîtrait pas. Il n’y a que l’imagination qui puisse se résister à elle-même ; Henri III le savait bien quand il médisait de la célèbre duchesse de Montpensier.

C’est donc l’imagination qu’il faut surtout garder chez une jeune fille que l’on veut préserver de l’amour. Et moins elle aura de vulgarité dans l’esprit, plus son âme sera noble et généreuse, plus en un mot elle sera digne de nos respects, plus grand sera le danger qu’elle court.

Il est toujours périlleux, pour une jeune personne, de souffrir que ses souvenirs s’attachent d’une manière répétée, et avec trop de complaisance, au même individu. Si la reconnaissance, l’admiration, ou la curiosité viennent redoubler les liens du souvenir, elle est presque sûrement sur le bord du précipice. Plus grand est l’ennui de la vie habituelle, plus sont actifs les poisons nommés gratitude, admiration, curiosité.