Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/36

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Un jour, à Berlin, je vis le beau capitaine L… » Toutes ces petites choses sont réellement arrivées à l’auteur, qui a passé quinze ans en Allemagne et en Italie. Mais, plus curieux que sensible, jamais il n’a rencontré la moindre aventure, jamais il n’a éprouvé aucun sentiment personnel qui méritât d’être raconté ; et, si on veut lui supposer l’orgueil de croire le contraire, un orgueil plus grand l’eût empêché d’imprimer son cœur et de le vendre au public pour six francs, comme ces gens qui, de leur vivant, impriment leurs Mémoires.

En 1822, lorsqu’il corrigeait les épreuves de cette espèce de voyage moral en Italie et en Allemagne, l’auteur, qui avait décrit les objets le jour où il les avait vus, traita le manuscrit, qui contenait la description circonstanciée de toutes les phases de la maladie de l’âme nommée amour, avec ce respect aveugle que montrait un savant du xive siècle pour un manuscrit de Lactence ou de Quinte-Curce qu’on venait de déterrer. Quand l’auteur rencontrait quelque passage obscur, et, à vrai dire, souvent cela lui arrivait, il croyait toujours que c’était le moi d’aujourd’hui qui avait tort. Il avoue que son respect pour l’ancien manuscrit est allé jusqu’à imprimer plusieurs passages qu’il ne comprenait plus lui-même. Rien de plus fou pour qui eût