Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/39

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bonnes plaisanteries. L’industriel millionnaire sent confusément qu’un tel homme place dans son estime une pensée avant un sac de mille francs.

Je récuse ce jeune homme studieux qui, dans la même année où l’industriel gagnait cent mille francs, s’est donné la connaissance du grec moderne, ce dont il est si fier, que déjà il aspire à l’arabe. Je prie de ne pas ouvrir ce livre tout homme qui n’a pas été malheureux pour des causes imaginaires étrangères à la vanité, et qu’il aurait grande honte de voir divulguer dans les salons.

Je suis bien assuré de déplaire à ces femmes qui, dans ces mêmes salons, emportent d’assaut la considération par une affectation de tous les instants. J’en ai surpris de bonne foi pour un moment, et tellement étonnées, qu’en s’interrogeant elles-mêmes, elles ne pouvaient plus savoir si un tel sentiment qu’elles venaient d’exprimer avait été naturel ou affecté. Comment ces femmes pourraient-elles juger de la peinture de sentiments vrais ? Aussi cet ouvrage a-t-il été leur bête noire ; elles ont dit que l’auteur devait être un homme infâme.

Rougir tout à coup, lorsqu’on vient à songer à certaines actions de sa jeunesse ; avoir fait des sottises par tendresse d’âme