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DEUXIÈME ESSAI DE PRÉFACE[1]

Je n’écris que pour cent lecteurs, et de ces êtres malheureux, aimables, charmants, point hypocrites, point moraux, auxquels je voudrais plaire ; j’en connais à peine un ou deux. De tout ce qui ment pour avoir de la considération comme écrivain, je n’en fais aucun cas. Ces belles dames-là doivent lire le compte de leur cuisinière et le sermonnaire à la mode, qu’il s’appelle Massillon ou madame Necker, pour pouvoir en parler avec les femmes graves qui dispensent la considération. Et qu’on le remarque bien, ce beau grade s’obtient toujours, en France, en se faisant le grand prêtre de quelque sottise. Avez-vous été dans votre vie six mois malheureux par amour ? dirais-je à quelqu’un qui voudrait lire ce livre.

Ou, si votre âme n’a senti dans la vie d’autre malheur que celui de penser à un procès, ou de n’être pas nommé député à la dernière élection, ou de passer pour avoir

  1. Mai 1834.