Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/62

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à l’Alfieri. Ces gens, qui peut-être sont cruels, parce que, comme Néron, ils tremblent toujours, jugeant tous les hommes d’après leur propre cœur, ces gens, dis-je, ne peuvent atteindre au plaisir physique qu’autant qu’il est accompagné de la plus grande jouissance d’orgueil possible, c’est-à-dire qu’autant qu’ils exercent des cruautés sur la compagne de leurs plaisirs. De là les horreurs de Justine. Ces hommes ne trouvent pas à moins le sentiment de la sûreté.

Au reste, au lieu de distinguer quatre amours différents, on peut fort bien admettre huit ou dix nuances. Il y a peut-être autant de façons de sentir parmi les hommes que de façons de voir, mais ces différences dans la nomenclature ne changent rien aux raisonnements qui suivent. Tous les amours qu’on peut voir ici-bas naissent, vivent et meurent, ou s’élèvent à l’immortalité, suivant les mêmes lois[1].

  1. Ce livre est traduit librement d’un manuscrit italien de M. Lisio Visconti, jeune homme de la plus haute distinction, qui vient de mourir à Volterre, sa patrie. Le jour de sa mort imprévue, il permit au traducteur de publier son essai sur l’Amour, s’il trouvait moyen de le réduire à une forme honnête.
    Castel Florentino, 10 juin 1819.