Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/85

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tout change pour lui, c’est un jeune héros.

Chez l’homme l’espoir dépend simplement des actions de ce qu’il aime ; rien de plus aisé à interpréter. Chez les femmes l’espérance doit être fondée sur des considérations morales très difficiles à bien apprécier. La plupart des hommes sollicitent une preuve d’amour qu’ils regardent comme dissipant tous les doutes ; les femmes ne sont pas assez heureuses pour pouvoir trouver une telle preuve ; et il y a ce malheur dans la vie, que ce qui fait la sécurité et le bonheur de l’un des amants, fait le danger et presque l’humiliation de l’autre.

En amour, les hommes courent le hasard du tourment secret de l’âme, les femmes s’exposent aux plaisanteries du public ; elles sont plus timides, et d’ailleurs l’opinion est beaucoup plus pour elle, car sois considérée, il le faut[1].

Elles n’ont pas un moyen sûr de subjuguer l’opinion en exposant un instant leur vie.

Les femmes doivent donc être beaucoup plus méfiantes. En vertu de leurs habitudes, tous les mouvements intellectuels

  1. On se rappelle la maxime de Beaumarchais : « La nature dit à la femme, sois belle si tu peux, sage si tu veux, mais sois considérée, il le faut. » Sans considération, en France point d’admiration, partant point d’amour.