Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/84

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est mille fois plus brillante et plus solide que la cristallisation de seize ans, où par le privilège de l’âge, tout était gaieté et bonheur.

« Donc l’amour doit être moins gai et plus passionné[1] ».

Cette conversation (Bologne, 9 mars 1820) qui contredit un point qui me semblait si clair, me fait penser de plus en plus qu’un homme ne peut presque rien dire de sensé sur ce qui se passe au fond du cœur d’une femme tendre ; quant à une coquette c’est différent : nous avons aussi des sens et de la vanité.

La dissemblance entre la naissance de l’amour chez les deux sexes doit provenir de la nature de l’espérance qui n’est pas la même. L’un attaque et l’autre défend ; l’un demande et l’autre refuse ; l’un est hardi, l’autre très timide.

L’homme se dit : Pourrai-je lui plaire ? voudra-t-elle m’aimer ?

La femme : N’est-ce point par jeu qu’il me dit qu’il m’aime ? est-ce un caractère solide ? peut-il se répondre à soi-même de la durée de ses sentiments ? C’est ainsi que beaucoup de femmes regardent et traitent comme un enfant un jeune homme de vingt-trois ans ; s’il a fait six campagnes,

  1. Épicure disait que le discernement est nécessaire à la possession du plaisir.