Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/90

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et l’amour allait naître, mais il porte un chapeau mal retapé, et elle le voit monter à cheval d’une manière gauche ; la jeune fille s’avoue en soupirant, qu’elle ne peut répondre aux empressements qu’il lui témoigne.

Un homme fait la cour à la femme du monde la plus honnête ; elle apprend que ce monsieur a eu des malheurs physiques et ridicules ; il lui devient insupportable. Cependant elle n’avait nul dessein de se jamais donner à lui, et ces malheurs secrets ne nuisent en rien à son esprit et à son amabilité. C’est tout simplement que la cristallisation est rendue impossible.

Pour qu’un être humain puisse s’occuper avec délices à diviniser un objet aimable, qu’il soit pris dans la forêt des Ardennes ou au bal de Coulon, il faut d’abord qu’il lui semble parfait, non pas sous tous les rapports possibles, mais sous tous les rapports qu’il voit actuellement ; il ne lui semblera parfait à tous égards, qu’après plusieurs jours de la seconde cristallisation. C’est tout simple, il suffit alors d’avoir l’idée d’une perfection pour la voir dans ce qu’on aime.

On voit en quoi la beauté est nécessaire à la naissance de l’amour. Il faut que la laideur ne fasse pas obstacle. L’amant arrive bientôt à trouver belle sa maîtresse telle qu’elle est, sans songer à la vraie beauté.