Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/125

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de décence, l’on n’apprend rien aux jeunes filles qui puisse les guider dans les circonstances qu’elles rencontreront dans la vie ; on fait plus, on leur cache, on leur nie ces circonstances afin d’ajouter à leur force : 1o l’effet de la surprise, 2o l’effet de la défiance rejetée sur toute l’éducation comme ayant été menteuse[1]. Je soutiens qu’on doit parler de l’amour à des jeunes filles bien élevées. Qui osera avancer de bonne foi que dans nos mœurs actuelles les jeunes filles de seize ans ignorent l’existence de l’amour ? par qui reçoivent-elles cette idée si importante et si difficile à bien donner ? Voyez Julie d’Étanges se plaindre des connaissances qu’elle doit à la Chaillot, une femme de chambre de la maison. Il faut savoir gré à Rousseau d’avoir osé être peintre fidèle en un siècle de fausse décence.

L’éducation actuelle des femmes étant peut-être la plus plaisante absurdité de l’Europe moderne, moins elles ont d’éducation proprement dite, et plus elles valent[2]. C’est pour cela peut-être qu’en Italie, en Espagne, elles sont si supérieures aux hommes et je dirais même si supérieures aux femmes des autres pays.

  1. Éducation donnée à Mme d’Épinay (Mémoires, tome I).
  2. J’excepte l’éducation des manières ; on entre mieux dans un salon rue Verte, que rue Saint-Martin.