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Page:Stendhal - Journal, t3, 1932, éd. Debraye et Royer.djvu/28

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journal de stendhal

« Quoi ! vous venez de passer à deux cents pas du tombeau de La Tour d’Auvergne* et vous ne l’avez pas vu !

— Vous qui l’avez vu, dites-moi ce que c’est.

— Un massif de pierre de quatre pieds de haut et sept de long, qui n’a pas coûté cent écus. D’un côté : À la mémoire de La Tour d’Auvergne, premier grenadier de France, tué le 8 juin 1800. De l’autre côté : À la mémoire de …y, chef de brigade du…, tué le 8 juin 1800. »

Comme l’aimable M[ontbadon] me disait cela, je crus entendre le canon et, au milieu de ce pays émouvant, cela me fit un vif plaisir. Mais, hélas ! ce n’était que le tonnerre ; peu à peu un superbe orage arrivant de la droite de l’horizon immense que nous apercevions arriva jusqu’à nous, nous couvrit de grêle pendant demi-heure, et blanchit la terre comme de la neige.

C’est par cet aimable temps (aimable pour moi, mais fort plat pour tout le monde) que nous grimpâmes dans Neubourg, à la queue d’un convoi. Nous trouvâmes dans la rue trois rangs de voitures et, sur la place, deux régiments avec leurs bagages. Nous faisions vingt pas toutes les cinq minutes, et la grêle se changeait en grosse pluie.

La ville est fort bien bâtie.

Je m’entends appeler, je lève les yeux, on me dit : « Baissez-les », et l’aimable Montbadon me tend la main au travers des grilles du plein-pied d’une