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1809 — 23 avril.
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allemagne

flatté, mais sa haine me paraissait évidente. Les demi-ambitieux m’aiment peut-être moins encore. Les jeunes gens me trouvent sévère, et Florian, se promenant l’autre jour avec moi, cherchait tout ce qu’il pouvait trouver de plus sérieux pour m’en entretenir.

Au reste, puisque cette feuille contient déjà des choses qui peuvent compromettre, il vaut mieux couler à fond le personnel de notre état-major.

Fromentin, qui se fait appeler de Saint-Charles*. Ambitieux pur, c’est-à-dire que je ne lui ai pas vu faire une action qui ne tende à son but, qui est de capter M. D[aru]. De tels caractères n’ont de mesure que celle de l’esprit qui les accompagne. Celui-ci en a assez ; il parle sans cesse et plaisante sur tout, mais avec une gaieté si forcée qu’elle m’a inspiré, dès le premier jour, un éloignement que je n’ai pas caché. Il regarde tout le reste de la boutique comme des enfants ; je suis, je crois, le seul qu’il croie digne d’un jeu serré. Cela pourrait bien finir par un duel, non pas à cause de son but principal, que M. D[aru] le croie le jeune homme le plus marquant de ses subordonnés, qu’il lui donne la croix, cela ne me l’ôte pas, mais je serai peut-être forcé de résister à quelques-unes de ses usurpations particulières. Place, table, chaises, voiture, chevaux, il usurpe tout. Ce matin, à propos de ses chevaux, il a eu une prise avec Lacombe, qui disait :