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1809 — 5 mai.
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allemagne


J’ai appris depuis que c’était réellement une horreur.

Le pont a été attaqué par les tirailleurs du Pô, qui étaient 800 (il n’en reste plus que 200), par la division Claparède, qui était 8.000, et qui est réduite à 4.000, dit-on.

Il paraît probable qu’il y a eu 1.500 morts. Ce diable de pont est énormément long, les premiers pelotons qui s’y présentèrent furent tués net. Les seconds les poussèrent dans la rivière et passèrent. On s’empara de la ville, et l’on plaça les blessés en très grand nombre dans les maisons. Les Autrichiens revinrent et reprirent la ville en faisant plier, je crois, le 26e régiment d’infanterie légère. On se battit dans la ville, les obus y pleuvaient et finirent par y mettre le feu. On sent bien que personne ne s’occupait de l’éteindre, toute la ville brûla, ainsi que les malheureux blessés placés dans les maisons.

Voilà comment on explique l’horreur qu’on voit dans la rue en passant. Cette explication me paraît probable. Car d’où viendraient tant de soldats brûlés ? de morts ? Mais on n’a tué personne dans les maisons, on n’y a pas transporté les morts ; donc ces pauvres diables ont été brûlés vivants.

Les connaisseurs disent que le spectacle d’Ebersberg est mille fois plus horrible que celui de tous les champs de bataille possibles, où l’on ne voit enfin que des hommes coupés dans tous les sens, et