Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/132

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une place de guerre, le gouverneur voudra savoir qui je suis, et gare la prison si je fais voir par mes réponses que je ne connais personne au 4e régiment de hussards dont je porte l’uniforme ! En sa qualité de sujet de l’Autriche, Fabrice savait toute l’importance qu’il faut attacher à un passe-port. Les membres de sa famille, quoique nobles et dévots, quoique appartenant au parti vainqueur, avaient été vexés plus de vingt fois à l’occasion de leurs passe-ports ; il ne fut donc nullement choqué de la question que lui adressait la cantinière. Mais comme, avant que de répondre, il cherchait les mots français les plus clairs, la cantinière, piquée d’une vive curiosité, ajouta pour l’engager à parler : Le caporal Aubry et moi nous allons vous donner de bons avis pour vous conduire.

— Je n’en doute pas, répondit Fabrice : je m’appelle Vasi et je suis de Gênes ; ma sœur, célèbre par sa beauté, a épousé un capitaine. Comme je n’ai que dix-sept ans, elle me faisait venir auprès d’elle pour me faire voir la France, et me former un peu ; ne la trouvant pas à Paris, et sachant qu’elle était à cette armée, j’y suis venu, je l’ai cherchée de tous les côtés sans pouvoir la trouver. Les soldats, étonnés de mon accent, m’ont fait arrêter. J’avais de