Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/133

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l’argent alors, j’en ai donné au gendarme, qui m’a remis une feuille de route, un uniforme et m’a dit : File, et jure-moi de ne jamais prononcer mon nom.

— Comment s’appelait-il ? dit la cantinière.

— J’ai donné ma parole, dit Fabrice.

— Il a raison, reprit le caporal, le gendarme est un gredin, mais le camarade ne doit pas le nommer. Et comment s’appelle-t-il, ce capitaine, mari de votre sœur ?

— Si nous savons son nom nous pourrons le chercher.

— Teulier, capitaine au 4e de hussards, répondit notre héros.

— Ainsi, dit le caporal avec assez de finesse, à votre accent étranger, les soldats vous prirent pour un espion ?

— C’est là le mot infâme ! s’écria Fabrice, les yeux brillants. Moi qui aime tant l’Empereur et les Français ! Et c’est par cette insulte que je suis le plus vexé.

— Il n’y a pas d’insulte, voilà ce qui vous trompe ; l’erreur des soldats était fort naturelle, reprit gravement le caporal Aubry.

Alors il lui expliqua avec beaucoup de pédanterie qu’à l’armée il faut appartenir à un corps et porter un uniforme, faute de quoi il est tout simple qu’on vous prenne pour un espion. L’ennemi nous en lâche