Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/205

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clier contre l’éclat de rire de l’entrée, elle ne fut attentive qu’aux nouvelles de France que Mosca avait toujours à lui donner en particulier, en arrivant dans la loge ; sans doute il inventait. En les discutant avec lui, elle remarqua ce soir-là son regard, qui était beau et bienveillant.

— Je m’imagine, lui dit-elle, qu’à Parme, au milieu de vos esclaves, vous n’allez pas avoir ce regard aimable, cela gâterait tout et leur donnerait quelque espoir de n’être pas pendus.

L’absence totale d’importance chez un homme qui passait pour le premier diplomate de l’Italie parut singulière à la comtesse ; elle trouva même qu’il avait de la grâce. Enfin, comme il parlait bien et avec feu, elle ne fut point choquée qu’il eût jugé à propos de prendre pour une soirée, et sans conséquence, le rôle d’attentif.

Ce fut un grand pas de fait, et bien dangereux ; par bonheur pour le ministre, qui, à Parme, ne trouvait pas de cruelles, c’était seulement depuis peu de jours que la comtesse arrivait de Grianta ; son esprit était encore tout raidi par l’ennui de la vie champêtre. Elle avait comme oublié la plaisanterie ; et toutes ces choses qui appartiennent à une façon de vivre élégante et légère avaient pris à ses yeux