Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/206

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comme une teinte de nouveauté qui les rendait sacrées ; elle n’était disposée à se moquer de rien, pas même d’un amoureux de quarante-cinq ans et timide. Huit jours plus tard, la témérité du comte eût pu recevoir un tout autre accueil.

À la Scala, il est d’usage de ne faire durer qu’une vingtaine de minutes ces petites visites que l’on fait dans les loges ; le comte passa toute la soirée dans celle où il avait le bonheur de rencontrer madame Pietranera : c’est une femme, se disait-il, qui me rend toutes les folies de la jeunesse ! Mais il sentait bien le danger. Ma qualité de pacha tout-puissant à quarante lieues d’ici me fera-t-elle pardonner cette sottise ? je m’ennuie tant à Parme ! Toutefois, de quart d’heure en quart d’heure il se promettait de partir.

— Il faut avouer, madame, dit-il en riant à la comtesse, qu’à Parme je meurs d’ennui, et il doit m’être permis de m’enivrer de plaisir quand j’en trouve sur ma route. Ainsi, sans conséquence et pour une soirée, permettez-moi de jouer auprès de vous le rôle d’amoureux. Hélas dans peu de jours je serai bien loin de cette loge qui me fait oublier tous les chagrins et même, direz-vous, toutes les convenances.

Huit jours après cette visite monstre dans la loge la Scala, et à la suite de plu-