Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/291

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vertu. Ce ne fut pas cependant un petit effort d’héroïsme de la part du comte que celui de revenir de Bologne ; car enfin, souvent, le matin, il avait le teint fatigué, et Fabrice avait tant de fraîcheur, tant de sérénité ! Qui eût songé à lui faire un sujet de reproche de la mort de Fabrice, arrivée en son absence, et pour une si sotte cause ? Mais il avait une de ces âmes rares qui se font un remords éternel d’une action généreuse qu’elles pouvaient faire et qu’elles n’ont pas faite ; d’ailleurs il ne put supporter l’idée de voir la duchesse triste, et par sa faute.

Il la trouva, à son arrivée, silencieuse et morne ; voici ce qui s’était passé : la petite femme de chambre, Chékina, tourmentée par les remords, et jugeant de l’importance de sa faute par l’énormité de la somme qu’elle avait reçue pour la commettre, était tombée malade. Un soir, la duchesse, qui l’aimait, monta jusqu’à sa chambre. La petite fille ne put résister à cette marque de bonté ; elle fondit en larmes, voulut remettre à sa maîtresse ce qu’elle possédait encore sur l’argent qu’elle avait reçu, et enfin eut le courage de lui avouer les questions faites par le comte et ses réponses. La duchesse courut vers la lampe qu’elle éteignit, puis dit à la petite Chékina qu’elle lui par-