Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/377

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Votre Excellence ne pourrait-elle pas me dicter ces deux lettres ? Alors je suis le seul compromis, et encore bien peu, je dirais au besoin que vous m’êtes apparu au milieu d’un champ avec une écritoire de corne dans une main et un pistolet dans l’autre, et que vous m’avez ordonné d’écrire.

Donnez-moi la main, mon cher Ludovic, s’écria Fabrice, et pour vous prouver que je ne veux point avoir de secret pour un ami tel que vous, copiez ces deux lettres telles qu’elles sont. Ludovic comprit toute l’étendue de cette marque de confiance et y fut extrêmement sensible, mais au bout de quelques lignes, comme il voyait la barque s’avancer rapidement sur le fleuve :

— Les lettres seront plus tôt terminées, dit-il à Fabrice, si Votre Excellence veut prendre la peine de me les dicter. Les lettres finies, Fabrice écrivit un A et un B à la dernière ligne, et, sur une petite rognure de papier qu’ensuite il chiffonna, il mit en français : Croyez A et B. Le piéton devait cacher ce papier froissé dans ses vêtements.

La barque arrivant à portée de la voix, Ludovic appela les bateliers par des noms qui n’étaient pas les leurs ; ils ne répondirent point et abordèrent cinq cents toises