Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/378

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plus bas, regardant de tous les côtés pour voir s’ils n’étaient point aperçus par quelque douanier.

— Je suis à vos ordres, dit Ludovic à Fabrice ; voulez-vous que je porte moi-même les lettres à Parme ? voulez-vous que je vous accompagne à Ferrare ?

— M’accompagner à Ferrare est un service que je n’osais presque vous demander. Il faudra débarquer, et tâcher d’entrer dans la ville sans montrer le passe-port. Je vous dirai que j’ai la plus grande répugnance à voyager sous le nom de Giletti, et je ne vois que vous qui puissiez m’acheter un autre passe-port.

— Que ne parliez-vous à Casal-Maggiore ! Je sais un espion qui m’aurait vendu un excellent passe-port, et pas cher, pour quarante ou cinquante francs.

L’un des deux mariniers qui était né sur la rive droite du Pô, et par conséquent n’avait pas besoin de passe-port à l’étranger pour aller à Parme, se chargea de porter les lettres. Ludovic, qui savait manier la rame, se fit fort de conduire la barque avec l’autre.

— Nous allons trouver sur le bas Pô, dit-il, plusieurs barques armées appartenant à la police, et je saurai les éviter. Plus de dix fois on fut obligé de se cacher au milieu de petites îles à fleur d’eau,