Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/108

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Il se perdait en suppositions ; il cherchait à deviner quel serait à l’avenir le plan de conduite de la femme qu’il aimait. Elle n’en sait rien elle-même, se disait-il ; une seule chose reste certaine, c’est que, pour rien au monde, elle ne manquerait aux résolutions qu’elle m’aurait une fois annoncées. Ce qui ajoutait encore à son malheur, c’est qu’il ne pouvait parvenir à trouver la duchesse blâmable. Elle m’a fait une grâce en m’aimant, elle cesse de m’aimer après une faute involontaire, il est vrai, mais qui peut entraîner une conséquence horrible ; je n’ai aucun droit de me plaindre. Le lendemain matin, le comte sut que la duchesse avait recommencé à aller dans le monde ; elle avait paru la veille au soir dans toutes les maisons qui recevaient. Que fût-il devenu s’il se fût rencontré avec elle dans le même salon ? Comment lui parler ? de quel ton lui adresser la parole ? et comment ne pas lui parler ?

Le lendemain fut un jour funèbre ; le bruit se répandait généralement que Fabrice allait être mis à mort, la ville fut émue. On ajoutait que le prince, ayant égard à sa haute naissance, avait daigné décider qu’il aurait la tête tranchée.

— C’est moi qui le tue, se dit le comte ; je ne puis plus prétendre à revoir jamais la duchesse. Malgré ce raisonnement assez