Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/149

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des reproches du trop d’intérêt qu’elle portait à Fabrice ? il allait périr ! et pour la cause de la liberté ! car il était trop absurde de mettre à mort un del Dongo pour un coup d’épée à un histrion. Il est vrai que cet aimable jeune homme était attaché à une autre femme ! Clélia était profondément malheureuse, et sans s’avouer bien précisément le genre d’intérêt qu’elle prenait à son sort : Certes, se disait-elle, si on le conduit à la mort, je m’enfuirai dans un couvent, et de la vie je ne reparaîtrai dans cette société de la cour, elle me fait horreur. Assassins polis !

Le huitième jour de la prison de Fabrice, elle eut un bien grand sujet de honte : elle regardait fixement, et absorbée dans ses tristes pensées, l’abat-jour qui cachait la fenêtre du prisonnier ; ce jour-là il n’avait encore donné aucun signe de présence : tout à coup un petit morceau d’abat-jour, plus grand que la main, fut retiré par lui ; il la regarda d’un air gai, et elle vit ses yeux qui la saluaient. Elle ne put soutenir cette épreuve inattendue, elle se retourna rapidement vers ses oiseaux et se mit à les soigner ; mais elle tremblait au point qu’elle versait l’eau qu’elle leur distribuait, et Fabrice pouvait voir parfaitement son émotion ; elle ne put supporter cette situation, et prit le parti de se sauver en courant.