Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/240

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— Si vous êtes compromis, je puis l’être aussi, repartit la duchesse, et Fabrice après moi : c’est pour cela, et non pas parce que je doute de votre bravoure, que j’exige que l’homme qui me perce le cœur soit empoisonné et non tué. Par la même raison importante pour moi, je vous ordonne de faire tout au monde pour vous sauver.

— J’exécuterai fidèlement, ponctuellement et prudemment. Je prévois, madame la duchesse, que ma vengeance sera mêlée à la vôtre : il en serait autrement, que j’obéirais encore fidèlement, ponctuellement et prudemment. Je puis ne pas réussir, mais j’emploierai toute ma force d’homme.

— Il s’agit d’empoisonner le meurtrier de Fabrice.

— Je l’avais deviné, et depuis vingt-sept mois que je mène cette vie errante et abominable, j’ai souvent songé à une pareille action pour mon compte.

— Si je suis découverte et condamnée comme complice, poursuivit la duchesse d’un ton de fierté, je ne veux point que l’on puisse m’imputer de vous avoir séduit. Je vous ordonne de ne plus chercher à me voir avant l’époque de notre vengeance : il ne s’agit point de le mettre à mort avant que je vous en ai