Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/241

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donné le signal. Sa mort en cet instant, par exemple, me serait funeste loin de m’être utile. Probablement sa mort ne devra avoir lieu que dans plusieurs mois, mais elle aura lieu. J’exige qu’il meure par le poison, et j’aimerais mieux le laisser vivre que de le voir atteint d’un coup de feu. Pour des intérêts que je ne veux pas vous expliquer, j’exige que votre vie soit sauvée.

Ferrante était ravi de ce ton d’autorité que la duchesse prenait avec lui ; ses yeux brillaient d’une profonde joie. Ainsi que nous l’avons dit, il était horriblement maigre ; mais on voyait qu’il avait été fort beau dans sa première jeunesse, et il croyait être encore ce qu’il avait été jadis. Suis-je fou, se dit-il, ou bien la duchesse veut-elle un jour, quand je lui aurai donné cette preuve de dévouement, faire de moi l’homme le plus heureux ? Et dans le fait, pourquoi pas : Est-ce que je ne vaux point cette poupée de comte Mosca qui, dans l’occasion, n’a rien pu pour elle, pas même faire évader monsignore Fabrice ?

— Je puis vouloir sa mort dès demain, continua la duchesse, toujours du même air d’autorité. Vous connaissez cet immense réservoir d’eau qui est au coin du palais, tout près de la cachette que vous avez occupée quelquefois ; il est un moyen