Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/244

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De ce moment, une sorte de gaieté reparut dans le caractère de la duchesse. Avant la fatale résolution, à chaque pas que faisait son esprit, à chaque chose nouvelle qu’elle voyait, elle avait le sentiment de son infériorité envers le prince, de sa faiblesse et de sa duperie ; le prince, suivant elle, l’avait lâchement trompée, et le comte Mosca, par suite de son génie courtisanesque, quoique innocemment, avait secondé le prince. Dès que la vengeance fut résolue, elle sentit sa force, chaque pas de son esprit lui donnait du bonheur. Je croirais assez que le bonheur immoral qu’on trouve à se venger en Italie tient à la force d’imagination de ce peuple ; les gens des autres pays ne pardonnent pas à proprement parler, ils oublient.

La duchesse ne revit Palla que vers les derniers temps de la prison de Fabrice. Comme on l’a deviné peut-être, ce fut lui qui donna l’idée de l’évasion : il existait dans les bois, à deux lieues de Sacca, une tour du moyen âge, à demi ruinée, et haute de plus de cent pieds ; avant de parler une seconde fois de fuite à la duchesse, Ferrante la supplia d’envoyer Ludovic, avec des hommes sûrs, disposer une suite d’échelles auprès de cette tour. En présence de la duchesse, il y monta avec les échelles,