Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/298

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furent encore plus tristes pour Fabrice.

On peut juger de l’amabilité dont celui-ci était pour la pauvre duchesse ; il eût souffert mille morts plutôt que de prononcer devant elle le nom de Clélia Conti. La duchesse abhorrait Parme ; et, pour Fabrice, tout ce qui rappelait cette ville était à la fois sublime et attendrissant.

La duchesse avait moins que jamais oublié sa vengeance ; elle était si heureuse avant l’incident de la mort de Giletti ! et maintenant, quel était son sort ! elle vivait dans l’attente d’un événement affreux dont elle se serait bien gardée de dire un mot à Fabrice, elle qui autrefois, lors de son arrangement avec Ferrante, croyait tant réjouir Fabrice en lui apprenant qu’un jour il serait vengé.

On peut se faire quelque idée maintenant de l’agrément des entretiens de Fabrice avec la duchesse ; un silence morne régnait presque toujours entre eux. Pour augmenter les agréments de leurs relations, la duchesse avait cédé à la tentation de jouer un mauvais tour à ce neveu trop chéri. Le comte lui écrivait presque tous les jours ; apparemment il envoyait des courriers comme du temps de leurs amours, car ses lettres portaient toujours le timbre de quelque petite ville de la Suisse. Le pauvre homme se torturait