Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/299

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l’esprit pour ne pas parler trop ouvertement de sa tendresse, et pour construire des lettres amusantes à peine si on les parcourait d’un œil distrait. Que fait, hélas ! la fidélité d’un amant estimé, quand on a le cœur percé par la froideur de celui qu’on lui préfère ?

En deux mois de temps la duchesse ne lui répondit qu’une fois, et ce fut pour l’engager à sonder le terrain auprès de la princesse, et à voir si, malgré l’insolence du feu d’artifice, on recevrait avec plaisir une lettre d’elle duchesse. La lettre qu’il devait présenter, s’il le jugeait à propos, demandait la place de chevalier d’honneur de la princesse, devenue vacante depuis peu, pour le marquis Crescenzi, et désirait qu’elle lui fût accordée en considération de son mariage. La lettre de la duchesse était un chef-d’œuvre : c’était le respect le plus tendre et le mieux exprimé ; on n’avait pas admis dans ce style courtisanesque le moindre mot dont les conséquences, même les plus éloignées, pussent n’être pas agréables à la princesse. Aussi la réponse respirait-elle une amitié tendre et que l’absence met à la torture.

« Mon fils et moi, lui disait la princesse, n’avons pas eu une soirée un peu passable depuis votre départ si brusque. Ma chère duchesse ne se souvient donc