Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je vous considère tous comme des amis, leur dit-elle, et je veux vous confier un secret. Mon neveu Fabrice s’est sauvé de prison ; et peut-être, par trahison, on cherchera à le reprendre, quoiqu’il soit sur votre lac, pays de franchise. Ayez l’oreille au guet, et prévenez-moi de tout ce que vous apprendrez. Je vous autorise à entrer dans ma chambre le jour et la nuit.

Les rameurs répondirent avec enthousiasme ; elle savait se faire aimer. Mais elle ne pensait pas qu’il fût question de reprendre Fabrice ; c’était pour elle qu’étaient tous ces soins, et, avant l’ordre fatal d’ouvrir le réservoir du palais Sanseverina, elle n’y eût pas songé.

Sa prudence l’avait aussi engagée à prendre un appartement au port de Locarno pour Fabrice ; tous les jours il venait la voir, ou elle-même allait en Suisse. On peut juger de l’agrément de leurs perpétuels tête-à-tête par ce détail : La marquise et ses filles vinrent les voir deux fois, et la présence de ces étrangères leur fit plaisir ; car, malgré les liens du sang, on peut appeler étrangère une personne qui ne sait rien de nos intérêts les plus chers, et que l’on ne voit qu’une fois par an.

La duchesse se trouvait un soir à Locarno, chez Fabrice, avec la marquise et ses