Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/315

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Le voyage de la duchesse et de son neveu fut très-gai. À une poste avant Parme, Fabrice s’arrêta un instant pour reprendre l’habit ecclésiastique ; d’ordinaire il était vêtu comme un homme en deuil. Quand il rentra dans la chambre de la duchesse :

— Je trouve quelque chose de louche et d’inexplicable, lui dit-elle, dans les lettres du comte. Si tu m’en croyais, tu passerais ici quelques heures ; je t’enverrai un courrier dès que j’aurai parlé à ce grand ministre.

Ce fut avec beaucoup de peine que Fabrice se rendit à cet avis raisonnable. Des transports de joie dignes d’un enfant de quinze ans marquèrent la réception que le comte fit à la duchesse, qu’il appelait sa femme. Il fut longtemps sans vouloir parler politique, et, quand enfin on en vint à la triste raison :

— Tu as fort bien fait d’empêcher Fabrice d’arriver officiellement ; nous sommes ici en pleine réaction. Devine un peu le collègue que le prince m’a donné comme ministre de la justice ! c’est Rassi, ma chère, Rassi, que j’ai traité comme un gueux qu’il est, le jour de nos grandes affaires. À propos, je t’avertis qu’on a supprimé tout ce qui s’est passé ici. Si tu lis notre gazette, tu verras qu’un commis