Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/337

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jolies femmes de la cour, qui, trouvant au prince une figure charmante et l’air fort heureux, se mirent à applaudir ; le prince rougit de bonheur. Il jouait le rôle d’un amoureux de la duchesse. Bien loin d’avoir à lui suggérer des paroles, bientôt elle fut obligée de l’engager à abréger les scènes ; il parlait d’amour avec un enthousiasme qui souvent embarrassait l’actrice ; ses répliques duraient cinq minutes. La duchesse n’était plus cette beauté éblouissante de l’année précédente ; la prison de Fabrice, et, bien plus encore, le séjour sur le lac Majeur avec Fabrice, devenu morose et silencieux, avait donné dix ans de plus à la belle Gina. Ses traits s’étaient marqués, ils avaient plus d’esprit et moins de jeunesse.

Ils n’avaient plus que bien rarement l’enjouement du premier âge ; mais à la scène, avec du rouge et tous les secours que l’art fournit aux actrices, elle était encore la plus jolie femme de la cour. Les tirades passionnées, débitées par le prince, donnèrent l’éveil aux courtisans ; tous se disaient ce soir-là : Voici la Balbi de ce nouveau règne. Le comte se révolta intérieurement. La pièce finie, la duchesse dit au prince devant toute la cour :

— Votre Altesse joue trop bien ; on va dire que vous êtes amoureux d’une femme