Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/345

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Adieu chicorée et poireaux ;
Adieu de quoi mettre au potage.

Le bonhomme disait : Ce sont là jeux de prince.
Mais on le laissait dire et les chiens et les gens
Firent plus de dégât en une heure de temps

Que n’en auraient fait en cent ans
Tous les lièvres de la province.

Petits princes, videz vos débats entre vous ;
De recourir aux rois vous seriez de grands fous.
Il ne les faut jamais engager dans vos guerres,

Ni les faire entrer sur vos terres.


Cette lecture fut suivie d’un long silence. Le prince se promenait dans le cabinet, après être allé lui-même remettre le volume à sa place.

— Eh bien ! madame, dit la princesse, daignerez-vous parler ?

— Non pas, certes, madame ! tant que Son Altesse ne m’aura pas nommée ministre ; en parlant ici, je courrais risque de perdre ma place de grande maîtresse.

Nouveau silence d’un gros quart d’heure ; enfin la princesse songea au rôle que joua jadis Marie de Médicis, mère de Louis XIII : tous les jours précédents, la grande maîtresse avait fait lire par la lectrice l’excellente Histoire de Louis XIII, de M. Bazin. La princesse, quoique fort piquée, pensa que la duchesse pourrait fort bien quitter le pays, et alors Rassi, qui lui faisait une peur affreuse, pourrait