Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/346

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bien imiter Richelieu et la faire exiler par son fils. Dans ce moment, la princesse eût donné tout au monde pour humilier sa grande maîtresse ; mais elle ne pouvait : elle se leva, et vint, avec un sourire un peu exagéré, prendre la main de la duchesse et lui dire :

— Allons, madame, prouvez-moi votre amitié en parlant.

— Eh bien ! deux mots sans plus : brûler, dans la cheminée que voilà, tous les papiers réunis par cette vipère de Rassi, et ne jamais lui avouer qu’on les a brûlés.

Elle ajouta tout bas, et d’un air familier, à l’oreille de la princesse :

— Rassi peut être Richelieu !

— Mais, diable ces papiers me coûtent plus de 80,000 francs ! s’écria le prince fâché.

— Mon prince, répliqua la duchesse avec énergie, voilà ce qu’il en coûte d’employer des scélérats de basse naissance. Plût à Dieu que vous pussiez perdre un million, et ne jamais prêter créance aux bas coquins qui ont empêché votre père de dormir pendant les six dernières années de son règne.

Le mot basse naissance avait plu extrêmement à la princesse, qui trouvait que le comte et son amie avaient une estime trop exclusive pour l’esprit, toujours un peu cousin germain du jacobinisme.