Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/454

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la petite Marini. Mais il suffit que ces détails vous déplaisent ; ils n’existent plus pour moi, qui veux avant tout ne pas choquer mon adorable marquis.

Toujours, après le dîner, le marquis se retirait pour faire la sieste. Il n’eut garde, ce jour-là ; mais le Gonzo se serait plutôt coupé la langue que d’ajouter un mot sur la petite Marini ; et, à chaque instant, il commençait un discours, calculé de façon à ce que le marquis pût espérer qu’il allait revenir aux amours de la petite bourgeoise. Le Gonzo avait supérieurement cet esprit italien qui consiste à différer avec délices de lancer le mot désiré. Le pauvre marquis, mourant de curiosité, fut obligé de faire des avances ; il dit à Gonzo que, quand il avait le plaisir de dîner avec lui, il mangeait deux fois davantage. Gonzo ne comprit pas, et se mit à décrire une magnifique galerie de tableaux que formait la marquise Balbi, la maîtresse du feu prince ; trois ou quatre fois il parla de Hayez, avec l’accent plein de lenteur de l’admiration la plus profonde. Le marquis se disait : Bon ! il va arriver enfin au portrait commandé par la petite Marini ! Mais c’est ce que Gonzo n’avait garde de faire. Cinq heures sonnèrent, ce qui donna beaucoup d’humeur au marquis, qui était accoutumé à monter