Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/65

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Ô ignorance et timidité ! combien souvent vous ressemblez à ce qu’il y a de plus noir ! Et je suis ainsi à vingt ans passés !… J’avais bien raison de songer au cloître ; réellement je ne suis faite que pour la retraite ! Digne fille d’un geôlier ! se sera-t-il dit. Il me méprise, et, dès qu’il pourra écrire à la duchesse, il parlera de mon manque d’égard, et la duchesse me croira une petite fille bien fausse ; car enfin ce soir elle a pu me croire remplie de sensibilité pour son malheur.

Clélia s’aperçut que quelqu’un s’approchait et apparemment dans le dessein de se placer à côté d’elle au balcon de fer de cette fenêtre ; elle en fut contrariée, quoiqu’elle se fît des reproches ; les rêveries auxquelles on l’arrachait n’étaient point sans quelque douceur. Voilà un importun que je vais joliment recevoir ! pensa-t-elle. Elle tournait la tête avec un regard altier, lorsqu’elle aperçut la figure timide de l’archevêque qui s’approchait du balcon par de petits mouvements insensibles. Ce saint homme n’a point d’usage, pensa Clélia pourquoi venir troubler une pauvre fille telle que moi ? Ma tranquillité est tout ce que je possède. Elle le saluait avec respect, mais aussi d’un air hautain, lorsque le prélat lui dit :

— Mademoiselle, savez-vous l’horrible nouvelle ?