Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/80

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aimer : eh bien, cette flamme s’éteint ; je ne vous aime plus ! mais je connais le fond de votre cœur, je garde pour vous une estime profonde, et vous serez toujours le meilleur de mes amis.

Que peut répondre un galant homme à une déclaration aussi sincère ?

Je prendrai un nouvel amant, du moins on le croira dans le monde. Je dirai à cet amant : Au fond le prince a raison de punir l’étourderie de Fabrice ; mais le jour de sa fête, sans doute notre gracieux souverain lui rendra la liberté. Ainsi je gagne six mois. Le nouvel amant désigné par la prudence serait ce juge vendu, cet infâme bourreau, ce Rassi… il se trouverait anobli, et dans le fait, je lui donnerais l’entrée de la bonne compagnie. Pardonne, cher Fabrice ! un tel effort est pour moi au delà du possible. Quoi ! ce monstre, encore tout couvert du sang du comte P. et de D. ! il me ferait évanouir d’horreur en s’approchant de moi, ou plutôt je saisirais un couteau et le plongerais dans son infâme cœur. Ne me demande pas des choses impossibles !

Oui, surtout oublier Fabrice ! et pas l’ombre de colère contre le prince, reprendre ma gaieté ordinaire, qui paraîtra plus aimable à ces âmes fangeuses, premièrement, parce que j’aurai l’air de me sou-