Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son esprit ne devient vulgaire que lorsqu’il s’imagine qu’on a voulu l’offenser. Eh bien ! le crime de Fabrice est étranger à la politique, c’est un petit assassinat comme on en compte cent par an dans ses heureux états, et le comte m’a juré qu’il a fait prendre les renseignements les plus exacts, et que Fabrice est innocent. Ce Giletti n’était point sans courage ; se voyant à deux pas de la frontière, il eut tout à coup la tentation de se défaire d’un rival qui plaisait.

La duchesse s’arrêta longtemps pour examiner s’il était possible de croire à la culpabilité de Fabrice : non pas qu’elle trouvât que ce fût un bien gros péché, chez un gentilhomme du rang de son neveu, de se défaire de l’impertinence d’un histrion ; mais, dans son désespoir, elle commençait à sentir vaguement qu’elle allait être obligée de se battre pour prouver cette innocence de Fabrice. Non, se dit-elle enfin, voici une preuve décisive ; il est comme le pauvre Pietranera, il a toujours des armes dans toutes ses poches, et, ce jour-là, il ne portait qu’un mauvais fusil à un coup, et encore, emprunté à l’un des ouvriers.

Je hais le prince parce qu’il m’a trompée et trompée de la façon la plus lâche ; après son billet de pardon, il a fait enlever