Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/84

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le pauvre garçon à Bologne, etc. Mais ce compte se réglera. Vers les cinq heures du matin, la duchesse, anéantie par ce long accès de désespoir, sonna ses femmes ; celles-ci jetèrent un cri. En l’apercevant sur son lit, tout habillée, avec ses diamants, pâle comme ses draps et les yeux fermés, il leur sembla la voir exposée sur un lit de parade après sa mort. Elles l’eussent crue tout à fait évanouie, si elles ne se fussent rappelé qu’elle venait de les sonner. Quelques larmes fort rares coulaient de temps à autre sur ses joues insensibles ; ses femmes comprirent par un signe qu’elle voulait être mise au lit.

Deux fois après la soirée du ministre Zurla, le comte s’était présenté chez la duchesse ; toujours refusé, il lui écrivit qu’il avait un conseil à lui demander pour lui-même : « Devait-il garder sa position après l’affront qu’on osait lui faire ? » Le comte ajoutait : « Le jeune homme est innocent mais, fût-il coupable, devait-on l’arrêter sans m’en prévenir, moi, son protecteur déclaré ? » La duchesse ne vit cette lettre que le lendemain.

Le comte n’avait pas de vertu ; l’on peut même ajouter que ce que les libéraux entendent par vertu (chercher le bonheur du plus grand nombre) lui semblait une duperie ; il se croyait obligé à chercher