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moindre déguisement, comme on la dit à un vieil ami. À seize ans et demi il vient de faire une insigne folie ; nous étions au château de Grianta, sur le lac de Côme. Un soir, à sept heures, nous avons appris, par un bateau de Côme, le débarquement de l’Empereur au golfe de Juan. Le lendemain matin Fabrice est parti pour la France, après s’être fait donner le passe-port d’un de ses amis du peuple, un marchand de baromètres nommé Vasi. Comme il n’a pas l’air précisément d’un marchand de baromètres, à peine avait-il fait dix lieues en France, que sur sa bonne mine on l’a arrêté ; ses élans d’enthousiasme en mauvais français semblaient suspects. Au bout de quelque temps il s’est sauvé et a pu gagner Genève ; nous avons envoyé à sa rencontre à Lugano…

— C’est-à-dire à Genève, dit le chanoine en souriant.

La comtesse acheva l’histoire.

— Je ferai pour vous tout ce qui est humainement possible, reprit le chanoine avec effusion ; je me mets entièrement à vos ordres. Je ferai même des imprudences, ajouta-t-il. Dites, que dois-je faire au moment où ce pauvre salon sera privé de cette apparition céleste, et qui fait époque dans l’histoire de ma vie ?

— Il faut aller chez le baron Binder lui dire que vous aimez Fabrice depuis sa naissance, que vous avez vu naître cet enfant quand vous veniez