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poisson, descendit en courant et sortit rapidement par une porte de derrière ; Fabrice le suivait.

— Théodolinde, s’écria-t-il en passant près de la boutique, cache ce qui est en haut, nous allons attendre dans les saules ; et toi, Pierre-Antoine, envoie-nous bien vite une barque : on paie bien.

Ludovic fit passer plus de vingt fossés à Fabrice. Il y avait des planches fort longues et fort élastiques qui servaient de ponts sur les plus larges de ces fossés ; Ludovic retirait ces planches après avoir passé. Arrivé au dernier canal, il tira la planche avec empressement. – Respirons maintenant, dit-il ; ce chien de gendarme aurait plus de deux lieues à faire pour atteindre votre excellence. Vous voilà tout pâle, dit-il à Fabrice ; je n’ai point oublié la petite bouteille d’eau-de-vie.

— Elle vient fort à propos : la blessure à la cuisse commence à se faire sentir ; et d’ailleurs j’ai eu une fière peur dans le bureau de la police au bout du pont.

— Je le crois bien, dit Ludovic ; avec une chemise remplie de sang comme était la vôtre, je ne conçois pas seulement comment vous avez osé entrer dans un tel lieu. Quant aux blessures, je m’y connais : je vais vous mettre dans un endroit bien frais où vous pourrez dormir une heure ; la barque viendra nous y chercher, s’il y a moyen