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d’obtenir une barque ; sinon, quand vous serez un peu reposé nous ferons encore deux petites lieues, et je vous mènerai à un moulin où je prendrai moi-même une barque. Votre excellence a bien plus de connaissances que moi : madame va être au désespoir quand elle apprendra l’accident ; on lui dira que vous êtes blessé à mort, peut-être même que vous avez tué l’autre en traître. La marquise Raversi ne manquera pas de faire courir tous les mauvais bruits qui peuvent chagriner madame. Votre excellence pourrait écrire.

— Et comment faire parvenir la lettre ?

— Les garçons du moulin où nous allons gagnent douze sous par jour ; en un jour et demi ils sont à Parme, donc quatre francs pour le voyage ; deux francs pour l’usure des souliers : si la course était faite pour un pauvre homme tel que moi, ce serait six francs ; comme elle est pour le service d’un seigneur, j’en donnerai douze.

Quand on fut arrivé au lieu du repos dans un bois de vernes et de saules, bien touffu et bien frais, Ludovic alla à plus d’une heure de là chercher de l’encre et du papier. Grand Dieu, que je suis bien ici ! s’écria Fabrice. Fortune ! adieu, je ne serai jamais archevêque !

À son retour, Ludovic le trouva profondément endormi et ne voulut pas l’éveiller. La barque n’arriva que vers le coucher du soleil ; aussitôt