Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/371

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— Ah ! excellence, reprirent toutes ces femmes d’une voix plus perçante, donnez aussi un napoléon d’or pour les pauvres femmes ! Fabrice doubla le pas, les femmes le suivirent en criant, et beaucoup de pauvres mâles, accourant par toutes les rues, firent comme une sorte de petite sédition. Toute cette foule horriblement sale et énergique criait : Excellence. Fabrice eut beaucoup de peine à se délivrer de la cohue ; cette scène rappela son imagination sur la terre. Je n’ai que ce que je mérite, se dit-il : je me suis frotté à la canaille.

Deux femmes le suivirent jusqu’à la porte de Saragosse, par laquelle il sortait de la ville ; Pépé les arrêta en les menaçant sérieusement de sa canne, et leur jetant quelque monnaie. Fabrice monta la charmante colline de San-Michele in Bosco, fit le tour d’une partie de la ville en dehors des murs, prit un sentier, arriva à cinq cents pas sur la route de Florence, puis rentra dans Bologne et remit gravement au commis de la police un passe-port où son signalement était noté d’une façon fort exacte. Ce passe-port le nommait Joseph Bossi, étudiant en théologie. Fabrice y remarqua une petite tache d’encre rouge jetée, comme par hasard, au bas de la feuille vers l’angle droit. Deux heures plus tard il eut un espion à ses trousses, à cause du titre d’excellence que son compagnon lui avait donné devant les pauvres de Saint-Pétrone, quoique son passe-port ne portât