Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/401

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bleu ! Mais ne me faites pas souvenir que je puis tout sur vous !

— Ah ! mon petit Fabrice, s’écria la Fausta ; si je savais où te prendre !

La vanité piquée peut mener loin un jeune homme riche et dès le berceau toujours environné de flatteurs. La passion très-véritable que le comte M*** avait eue pour la Fausta se réveilla avec fureur ; il ne fut point arrêté par la perspective dangereuse de lutter avec le fils unique du souverain chez lequel il se trouvait ; de même qu’il n’eut point l’esprit de chercher à voir ce prince, ou du moins à le faire suivre. Ne pouvant autrement l’attaquer, M*** osa songer à lui donner un ridicule. Je serai banni pour toujours des États de Parme, se dit-il ; eh ! que m’importe ? S’il eût cherché à reconnaître la position de l’ennemi, le comte M*** eût appris que le pauvre jeune prince ne sortait jamais sans être suivi par trois ou quatre vieillards, ennuyeux gardiens de l’étiquette, et que le seul plaisir de son choix qu’on lui permît au monde, était la minéralogie. De jour comme de nuit, le petit palais occupé par la Fausta et où la bonne compagnie de Parme faisait foule, était environné d’observateurs ; M*** savait heure par heure ce qu’elle faisait et surtout ce qu’on faisait autour d’elle. L’on peut louer ceci dans les précautions de ce jaloux, cette femme si capricieuse n’eut d’abord aucune idée de ce re-