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à la duchesse ; j’ai fait tout au monde pour le connaître, mais il paraît que la nature m’a refusé un cœur pour aimer et être mélancolique ; je ne puis m’élever plus haut que le vulgaire plaisir, etc., etc.

On ne saurait donner l’idée du bruit que cette aventure fit dans Parme. Le mystère excitait la curiosité : une infinité de gens avaient vu les flambeaux et la chaise à porteurs. Mais quel était cet homme enlevé et envers lequel on affectait toutes les formes du respect ? Le lendemain aucun personnage connu ne manqua dans la ville.

Le petit peuple qui habitait la rue d’où le prisonnier s’était échappé disait bien avoir vu un cadavre, mais au grand jour, lorsque les habitants osèrent sortir de leurs maisons, ils ne trouvèrent d’autres traces du combat que beaucoup de sang répandu sur le pavé. Plus de vingt mille curieux vinrent visiter la rue dans la journée. Les villes d’Italie sont accoutumées à des spectacles singuliers, mais toujours elles savent le pourquoi et le comment. Ce qui choqua Parme dans cette occurrence, ce fut que même un mois après, quand on cessa de parler uniquement de la promenade aux flambeaux, personne, grâce à la prudence du comte Mosca, n’avait pu deviner le nom du rival qui avait voulu enlever la Fausta au comte M***. Cet amant jaloux et vindicatif avait pris la fuite dès le commencement de la promenade. Par ordre du comte, la Fausta fut mise à la citadelle. La