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duchesse rit beaucoup d’une petite injustice que le comte dut se permettre pour arrêter tout à fait la curiosité du prince, qui autrement eût pu arriver jusqu’au nom de Fabrice.

On voyait à Parme un savant homme arrivé du Nord pour écrire une histoire du moyen-âge ; il cherchait des manuscrits dans les bibliothèques, et le comte lui avait donné toutes les autorisations possibles. Mais ce savant, fort jeune encore, se montrait irascible ; il croyait, par exemple, que tout le monde à Parme cherchait à se moquer de lui. Il est vrai que les gamins des rues le suivaient quelquefois à cause d’une immense chevelure rouge clair étalée avec orgueil. Ce savant croyait qu’à l’auberge on lui demandait des prix exagérés de toutes choses, et il ne payait pas la moindre bagatelle sans en chercher le prix dans le voyage d’une madame Starke qui est arrivé à une vingtième édition, parce qu’il indique à l’Anglais prudent le prix d’un dindon, d’une pomme, d’un verre de lait, etc., etc.

Le savant à la crinière rouge, le soir même du jour où Fabrice fit cette promenade forcée, devint furieux à son auberge, et sortit de sa poche de petits pistolets pour se venger du camerière qui lui demandait deux sous d’une pêche médiocre. On l’arrêta, car porter de petits pistolets est un grand crime !

Comme ce savant irascible était long et maigre,