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que l’arrestation de Fabrice. Les bourgeois reconnaissaient bien à ces détails le cœur sec d’une grande dame de la cour. Par décence cependant, et comme sacrifice aux mânes du jeune Fabrice, elle avait rompu avec le comte Mosca. Quelle immoralité ! s’écriaient les jansénistes de Parme. Mais déjà la duchesse, chose incroyable ! paraissait disposée à écouter les cajoleries des plus beaux jeunes gens de la cour. On remarquait, entre autres singularités, qu’elle avait été fort gaie dans une conversation avec le comte Baldi, l’amant actuel de la Raversi, et l’avait beaucoup plaisanté sur ses courses fréquentes au château de Velleja. La petite bourgeoisie et le peuple étaient indignés de la mort de Fabrice, que ces bonnes gens attribuaient à la jalousie du comte Mosca. La société de la cour s’occupait aussi beaucoup du comte, mais c’était pour s’en moquer. La troisième des grandes nouvelles que nous avons annoncées n’était autre, en effet, que la démission du comte ; tout le monde se moquait d’un amant ridicule qui, à l’âge de cinquante-six ans, sacrifiait une position magnifique au chagrin d’être quitté par une femme sans cœur et qui, depuis longtemps, lui préférait un jeune homme. Le seul archevêque eut l’esprit, ou plutôt le cœur, de deviner que l’honneur défendait au comte de rester premier ministre dans un pays où l’on allait couper la tête, et sans le consulter, à un jeune homme, son protégé. La