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condamner à mort ce jeune homme comme assassin du comédien Giletti ?

— Personne ne peut mieux rendre compte à votre excellence de ces bruits, puisque c’est moi-même qui les ai fait courir par ordre du souverain ; et, j’y pense ! c’est peut-être pour m’empêcher de vous faire part de cet incident qu’hier, toute la journée, il m’a retenu prisonnier. Le prince, qui ne me croit pas un fou, ne pouvait pas douter que je ne vinsse vous apporter ma croix et vous supplier de l’attacher à ma boutonnière.

— Au fait ! s’écria le ministre, et pas de phrases !

— Sans doute le prince voudrait bien tenir une sentence de mort contre M. del Dongo, mais il n’a, comme vous le savez sans doute, qu’une condamnation en vingt années de fers, commuée par lui, le lendemain même de la sentence, en douze années de forteresse avec jeûne au pain et à l’eau tous les vendredis et autres bamboches religieuses.

— C’est parce que je savais cette condamnation à la prison seulement, que j’étais effrayé des bruits d’exécution prochaine qui se répandent par la ville ; je me souviens de la mort du comte Palanza, si bien escamotée par vous.

— C’est alors que j’aurais dû avoir la croix ! s’écria Rassi sans se déconcerter ; il fallait serrer le bouton tandis que je le tenais, et que l’homme avait envie de cette mort. Je fus un nigaud alors, et c’est armé de cette expérience que j’ose vous