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séparera toujours d’un simple gentilhomme les membres d’une famille régnante.

— Il faut faire une distinction, dit la princesse : la fille d’un roi de France, par exemple, n’a aucun espoir d’arriver jamais à la couronne ; mais les choses ne vont point ainsi dans la famille de Parme. C’est pourquoi, nous autres Farnèse, nous devons toujours conserver une certaine dignité dans notre extérieur ; et moi, pauvre princesse telle que vous me voyez, je ne puis pas dire qu’il soit absolument impossible qu’un jour vous soyez mon premier ministre.

Cette idée, par son imprévu baroque, donna au pauvre comte un second moment de gaieté parfaite.

Au sortir de chez la princesse Isota, qui avait grandement rougi en recevant l’aveu de la passion du premier ministre, celui-ci rencontra un des fourriers du palais : le prince le faisait demander en toute hâte.

— Je suis malade, répondit le ministre, ravi de pouvoir faire une malhonnêteté à son prince. Ah ! ah ! vous me poussez à bout, s’écria-t-il avec fureur, et puis vous voulez que je vous serve ! mais sachez, mon prince, qu’avoir reçu le pouvoir de la Providence ne suffit plus en ce siècle-ci, il faut beaucoup d’esprit et un grand caractère pour réussir à être despote.

Après avoir renvoyé le fourrier du palais fort scandalisé de la parfaite santé de ce malade, le